L'objectif réel de l'expérience est de mesurer le niveau d'obéissance à un ordre même contraire à la morale de celui qui l'exécute. Des sujets acceptent de participer sous l'autorité d'une personne supposée compétente , à une expérience d'apprentissage où il leur sera demandé d'appliquer des traitements cruels (décharges électriques) à des tiers sans autre raison que de « vérifier les capacités d'apprentissage ».
L'université de Yale à New Haven faisait paraître des annonces dans un journal local pour recruter les sujets d'une expérience sur l'apprentissage. La participation devait durer une heure et était rémunérée 4 dollars , plus 0,5 cts pour les frais de déplacement , ce qui représentait à l'époque une bonne affaire , le revenu hebdomadaire moyen en 1960 étant 25 dollars. L'expérience était présentée comme l'étude scientifique de l'efficacité de la punition , ici par des décharges électriques , sur la mémorisation.
La majorité des variantes de l'expérience a eu lieu dans les locaux de l'université de Yale. Les participants étaient des hommes de 20 à 50 ans de tous les milieux et de différents niveaux d'éducation. Les variantes impliquent le plus souvent trois personnages :
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L'élève (learner) qui devrai s'efforcer de mémoriser des listes de mots et recevra une décharge électrique , de plus en plus forte , en cas d'erreur.
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L'enseignement (teacher) qui dicte les mots à l'élève et vérifie les réponses. En cas d'erreur , il enverra une décharge électrique destinée à faire souffrir l'élève.
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L'expérimentateur (experimenter) représentant officiel de l'autorité , vêtu de la blouse grise du technicien , de maintien ferme et sûr de lui.
L'expérimentateur et l'élève sont en réalité des comédiens et les chocs électriques sont fictifs.
Dans le cadre de l'expérience simulée (apprentissage par la punition) , élève et enseignant sont tous deux désignés comme « sujets ». Dans le cadre de l'expérience réelle (niveau d'obéissance , soumission à l'autorité) , seul l'enseignant sera désigné comme sujet.
Au début de l'expérience simulée , le futur enseignant est présenté à l'expérimentateur et au futur élève. On lui décrit les conditions de l'expérience , il est informé qu'après le tirage au sort il sera l'élève ou l'enseignant , puis il est soumis à un léger choc électrique (réel celui-là) de 45 volts pour lui montrer un échantillon de ce qu'il va infliger à son élève et pour renforcer sa confiance sur la véracité de l'expérience. Une fois qu'il a accepté le protocole , un tirage au sort truqué est effectué , qui le désigne systématiquement comme enseignant.
L'élève est ensuite placé dans une pièce distincte , séparée par une fine cloison, et attaché sur une chaise électrique. Le sujet cherche à lui faire mémoriser des listes de mots et l'interroge sur celles-ci. Il est installé devant un pupitre où une rangée de manettes est censée envoyer des décharges électriques à l'apprenant. En cas d'erreur, le sujet enclenche une nouvelle manette et croit qu'ainsi l'apprenant reçoit un choc électrique de puissance croissante ( 15 volts supplémentaires à chaque décharge). Le sujet est prié d'annoncer la tension correspondante avant de l'appliquer.
Les réactions aux chocs sont simulées par l'apprenant. Sa souffrance apparente évolue au cours de la séance : à partir de 75 V il gémit , à 120 V il se plaint à l'expérimentateur qu'il souffre, à 135 V il hurle , à 150 V il supplie d'être libéré , à 250 V il lance un cri violent , à 300 V , il annonce qu'il ne répondra plus. Lorsque l'apprenant ne répond plus , l'expérimentateur indique qu'une absence de réponse est considérée comme une erreur. Au stade de 150 volts, la majorité des sujets manifestent des doutes et interrogent l'expérimentateur qui est à leur côté. L'expérimentateur est chargé de les rassurer en leur affirmant qu'ils ne seront pas tenus responsables des conséquences.Si un sujet hésite , l'expérimentateur lui demande d'agir .
L'apprenant s'écrie « Je ne veux pas continuer ! » en s'adressant au sujet (simulation).
Si un sujet exprime le désir d'arrêter l'expérience, l'expérimentateur lui adresse, dans l'ordre, ces réponses :
1)« Veuillez continuer s'il vous plaît »
2) « l'expérience exige que vous continuiez »
3) « Il est absolument indispensable que vous continuiez »
4) « Vous n'avez pas le choix, vous devez continuer »
Si le sujet souhaite toujours s'arrêter après ces quatre interventions , l'expérience est interrompue. Sinon, elle prend fin quand le sujet a administré trois décharges maximales (450 volts) à l'aide des manettes intitulées « XXX » situées après celles faisant mention de « Attention, choc dangereux ».
A l'issue de chaque expérience, un questionnaire et un entretien avec le sujet permettaient de recueillir ses sentiments et d'écouter les explications qu'il donnait de son comportement. Cet entretien visait aussi à le réconforter en lui affirmant qu'aucune décharge électrique n'avait été appliquée, en le réconciliant avec l'apprenant et en lui disant que son comportement n'avait rien de sadique et était tout à fait normal.
Un an après l'expérience, il recevait un nouveau questionnaire sur son impression au sujet de l'expérience, ainsi qu'un compte rendu détaillé des résultats de cette expérience.